La pierre blanche

« Tili Mok ! La pierre est trop lourde. Il faudra plusieurs heures pour la déplacer jusqu’aux escaliers et je ne te parle même pas de la remonter jusqu’à la grue. Je t’avais dit que nous devions engager ce mage du Rexcan. Allez zot ! A trois, on la bascule ! »

« N’ t’inquiète pô  Ruffi Mok. J’pris une assurance. SI la pierre n’va à pas la grue, j’ai une ôt’solution. Ca va pas t’plaire, mais on aura not’dû. »

Quinze ogres et deux demi-ogres s’entassaient autour d’une énorme pierre blanche taillée en pointe, comme un menhir. C’était une pierre funéraire posée à la tête d’un sarcophage en or. Dans la pièce octogonale, Le sarcophage reposait au centre d’un cercle de pierre, gravées de centaines de runes, au sol et sur les marches. Chaque angle de la pièce  disposait d’une vasque d’un mètre de largeur. La vasque se remplissait d’eau jaillissant de la tête d’un monstre à trois yeux placé plus haut dans l’angle. Le plafond et le sol de la pièce était fait de pierres taillées blanches et concentrique. Il n’y avait rien de prévu pour éclairer la chambre funéraire, mais les ogres y voyaient comme en plein jour.

La pierre blanche bascula en bas des marches et heurta le sol violemment dans un bruit sourd  et chantant. Comme si la pierre était faite d’un métal très lourd, elle résonna dans le silence du temple elfique. Les ogres se reposèrent quelques secondes, puis se remirent au travail pour transporter la précieuse cargaison. Il fallut deux heures d’intenses efforts pour faire rouler la pierre lisse jusqu’au bas des marches. Sans baisser les bras, ils tentèrent à trois reprises de la soulever. Puis ils décidèrent de l’attacher et de la tirer dans les marches. La pierre ne gagna pas un centimètre.  Rien n’y fit. Tilli et Ruffi se rendirent à l’évidence, même avec le double d effort, ils ne réussiraient pas à la monter.

RuffiMok, dit le ‘sans peur’ sourit, et se tourna vers son frère pour lui demander :
« Alors ! C’est quoi ton plan ti frère ? »
TiliMok, alla jusqu’au mur et sorti de son sac une petite boite en chêne brulé. Au centre d’un tissu de soie douillet, il prit ce qui ressemblait à une petite flûte humaine, et revint vers ses congénères.

Avec un peu d’esbroufe théâtrale, il cria :
« Ca ! C’est l’sifflete du sorcier ! Il avait pô dit qu’il pouvait appeler des potes ? chuis sûr c’est avec ça qui les appelle ! cheum’suis dis qu’ils sauraient nous servir en cas d’besoin. Non ?!»

Ruffimok regarda son frère en fronçant les sourcils puis s’approcha de lui rapidement en levant les bras. Tili senti la peur montée en lui, mais son frère l’étreignit en criant :

« C’est pas pour rien que t’es le meilleur, ti frère.   Bien joué ! Siffle donc et appelle le casse-croûte ! Ils vont nous monter ça avec leur magie, et on les bouffe après. »
Les autres ogres ne comprenaient pas grand-chose. Ils savaient qu’il fallait écouter les deux frères demi-ogre qui leur apportait toujours à boire, à manger, et bien plus encore.  A la mention du mot casse-croûte, tous grognèrent et exultèrent, en tapant sur leur poitrine et contre le sol.

TiliMok vint se placer près du sarcophage au centre de la pièce et souffla dans le pipo.

L’air de la pièce déjà chaud et humide, devint étouffant. Des ombres se mirent à danser, au sol, sur les murs et au plafond. Tous les ogres reculèrent vers les marches. Des cris stridents sortirent des murs. Comme des fantômes, six elfes noirs suivirent ces cris et entrèrent dans la pièce. Les six étaient habillés d’une robe rouge avec un carré or brodé sur la poitrine. Tous encapuchonnés dans l’ombre, on ne discernait que quelques barbes blanches tombant de mentons fins. Ils  n’étaient pas grands. Ils avaient l’air si fragile, et pourtant, tous les ogres s’enfuirent par les escaliers.

Tilimok et Ruffimok saisirent gourdin et masse pour mettre un peu d’ordre dans la pièce et couper court à ce spectacle morbide. Tili sauta sur le premier à sa droite tandis que Ruffi écrasait de sa masse celui de gauche. Le mage elfecraqua sous l’impact et se disloqua autour de l’arme. Les quatre autres mages s’arrêtèrent d’avancer. L’un deux retira son épaisse capuche et découvrit son visage blême. C’était quelque chose qui ressemblait à une elfe. Une elfe noire avec un visage de cire bleutée, un visage comme brûlé. Son visage était effacé. Elle avança seule et  leva la main en signe de paix.

« Bonjour, frères Goramok, fils de la terre de Slilkut et enfants de Bellamala. Pour quelles raisons appelez-vous les Erûnars ? »

Sans se laisser démonter ou dépasser par les évènements, RufiMok fît ce qu’il faisait de mieux après un bon carnage, s’en tenir au plan. Il leva sa masse et s’approcha de la femme sans visage.

« Montez la pierre blanche jusqu’à la surface. Après vous pouvez partir »
La femme sans visage réintégra le rang de ses pairs en baissant la tête en signe de soumission.

« Il en sera fait selon vos souhaits, enfant de Bellamala »

Les deux frères restèrent là. Alors que la pierre blanche se mit à luire intensément, les Erûnars se tournèrent vers RuffiMok , qui s’illumina à son tour avant de disparaitre. Tilimok se retrouvait seul, sans pierre et sans frère.
Il courut dans les escaliers, avalant dix par dix les marches jusqu’à la grue. Rien ! Le gouffre était la ; immense faille dans les monts anciens, avec les cordes et le palan plus haut, mais ni frère, ni ogre, ni pierre de lune. Il reprit son ascension plus rapidement encore jusqu’à la surface.

La-haut , Trearaktar le drakonian dracomancien, un être humanoïde presqu’aussi grand que Tili, aux écailles noir de jais, se tourna vers lui pour comprendre le motif de cette apparition.

« Ssssiii, Tilimok veut bien nous diiire ssssss ce qu’il vient faire issssi sans la pierrrrre ? »

Tilimok regardait partout, par-dessus l’épaule du mage drakonian, et par dela les chariots et les outils. Il s’avança sans prêter attention à Trearaktar, pour regarder derrière les huttes du camp. Son frère n’était pas là, mais il voyait les ogres entourés par les orc Taures. Tout se passait vraiment très mal. Les Taures,  et ce Drakonian avaient surement prévu de tous les tuer une fois la pierre remontée. Ils ne l’avaient pas prévu. Ils avaient pourtant l’air d’être de bons orcs ceux-là, pas comme les orcs noirs.  Ou pire, ceux qui trainent avec les humains. Un cliquetis bizarre et un marmonnement inquiétant sorti Tili de sa réflexion. Ili se retourna et sauta dans la faille pour échapper à l’incantation du drakonian.

Dans sa chute, au fond de la faille, il repensa à ce que lui avait dit le mage dans la forêt. Ce guerrier mage bizarre que son frère avait rencontré près de l’ancienne cité des géants et qui les avait invité dans une taverne du Port.

Le mage était habillé comme un guerrier avec une robe froissée passée  comme un tabard sur ses épaules. Il était ridicule mais paraissait si puissant, qu’on osait le lui dire. TiliMok refusait de l’engager. Après son refus, une ombre passa sur le visage du magicien. Ses yeux semblèrent miroiter, laissant un instant une image  de squelette décharné face aux  deux demi-ogres.  Il dit :
« Vous aurez besoin de moi car les forces que vous servez ne sont ni honnête, ni bête, comme vous l’êtes. Ils se retourneront contre vous, une fois la pierre retrouvée. »
Puis en souriant il dit.
«  Et un bon mage ça sert toujours !  Prenez cette pièce,  et embrassez là si vous changez d’avis. Je rappliquerai dans les environs. »

 Tilimok, fils de GultaMok et de Karadelk, petit frère de RuffiMok le  ‘sans peur’, fouilla frénétiquement dans sa poche. Tout en pensant à sa mort toute proche avec le sol qui se rapprochait, il prit la pièce, et l’embrassa aussitôt.

Je vous donne rendez-vous le 31 octobre pour en apprendre un peu plus sur ce sympathique personnage

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